Corée du Sud : simuler sa mort pour redécouvrir le goût de vivre
En Corée du Sud, un phénomène étrange mais grandissant défie les conventions : les fausses funérailles. Dans ce pays où le taux de suicide est l’un des plus élevés au monde avec 42 morts par jour, ces mises en scène pourraient apporter un espoir de renouveau.
Le concept est simple mais saisissant. Contre quelques dizaines de dollars, des entreprises proposent aux participants une simulation ultra-réaliste de leurs propres funérailles. On les place dans un cercueil, entourés de leur portrait, de fleurs, de lettres d’adieux fictives. La famille et les amis peuvent même être présents pour une homélie ou un dernier hommage au “défunt” vivant.
Les cercueils en bois brut sont ensuite refermés durant de longues minutes, jusqu’à une demi-heure parfois. Des coups de marteau renforcent l’illusion de cette mise en terre prématurée. Le noir total et le silence assourdissant achèvent de plonger les participants dans une expérience de trépas grandeur nature.
Une mort simulée pour revivre
“J’ai vraiment eu l’impression d’être morte. Jusqu’ici, la mort me paraissait lointaine, mais à présent, je pense que je dois vivre une meilleure vie”, témoigne Baek Kyung-ah, une participante, au Financial Times. Nombreux sont ceux qui ressortent de cette expérience troublante avec un regain d’énergie vitale, prêts à “reprendre leur vie à zéro” comme l’affirme Jung Joon, qui dirige l’entreprise Coffin Academy.
C’est l’effet escompté de cette pratique étonnante. En goûtant à la finitude, en frôlant l’au-delà le temps d’une simulation, les participants sont à même de renouveler leur regard sur l’existence. Une prise de conscience de la “fragilité et de la préciosité de la vie” qui leur permettrait de mieux l’apprécier, selon l’écrivain David Foenkinos.
Pour Kim Hi Ho, le fondateur de la société Happy Dying qui organise jusqu’à 300 pseudo-funérailles par mois, “les participants peuvent réfléchir à leur vie et prendre conscience que la vie est belle”. Une philosophie séduisante quand on connaît les sombres statistiques du pays.
Un remède à la dépression ?
Avec des journées de travail parmi les plus longues au monde et une pression sociale écrasante, la Corée du Sud est aux prises avec un véritable fléau de dépression. Le nombre de patients sous antidépresseurs a grimpé de 32% en 5 ans selon l’Onisep, un record. Dans ce contexte, l’expérience des fausses funérailles pourrait s’avérer salutaire.
En replongeant temporairement dans le néant, en frôlant l’absence totale, les participants sembleraient récupérer un enthousiasme neuf pour la lumière de l’existence. Une façon de retrouver l’envie de vivre, de se délester du poids des angoisses et des idées noires qui rongent.
Les commentaires glanés auprès de ceux qui se sont prêtés au jeu sont éclairants : “Ensuite, vous vous sentez revigoré”, “je dois vivre une meilleure vie”, “prendre conscience que la vie est belle”… Autant de signaux d’un indéniable effet apaisant, presque cathartique sur les esprits.
Reste que cette pratique insolite, aussi porteuse d’espoir soit-elle, ne pourra pas résorber à elle seule la profonde crise de dépression que traverse la Corée du Sud. Mais elle ouvre peut-être une piste de réflexion neuve, un angle mort que les thérapeutes auraient pu négliger : la confrontation libératrice avec l’inéluctable destinée, pour mieux renaître à l’existence.
En Corée du Sud 🇰🇷, les fausses funérailles sont à la mode ! Objectif : renaître de la vie. Un phénomène de grande envergure pic.twitter.com/HRQ0D5Evk1
— FRANCE 24 Français (@France24_fr) November 7, 2019